jeudi 17 avril 2014

A notre vérité soumise


J’ai mis le cap sur d’autres lieux, d’autres rivages où tu m’attends, depuis longtemps déjà pendant que je divague, sans étoile dans mes cieux

Je garde à l’esprit comme vissée à l’âme, au milieu de la nuit où je chemine sans bruit, le souffle de ta voix qui guide la profane

Faire demi-tour je n’en ai plus envie, car que n’ai-je vécu si je n’ai rien risqué, le semblant d’un frisson l’amorce  d’un baiser, quand tu m’offres ma vie

Au bout de ce fleuve qui parfois se déchaîne, comme l’ultime épreuve le miroir que tu tends, celle que je devine à peine, qui elle aussi m’attend

Quelle étrange pensée que tu n’aies jamais vu, par delà mes abysses que son parfait reflet, par delà mes brouillards que ses traits attendus, où je ne vois qu’esquisse

S’il n’est qu’un voyage que je dois entreprendre, le plus périlleux sans aucune méprise,  qu’il soit au creux de mes méandres, à notre vérité soumise.

mercredi 2 avril 2014

D'un inconnu à une inconnue




Il y a quelques années de ça, je bataillais déjà pour joindre les deux bouts.

Passées les nécessités matérielles et celles du ventre, passés les besoins, je ressentais cet après-midi là une envie, forte. 

Il me fallait lire, j’avais subitement envie de m’offrir quelque lecture qui me permettrait peut-être de m’évader un peu. Je n’avais pas envie d’autre chose, je voulais lire,  une envie presque irrationnelle, irrépressible.

J’allais, sans un sou en poche, comme d’autres font les vitrines et rêvent devant des robes hors de prix et autres objets inaccessibles, regarder les nouveautés littéraires et m’abîmer dans la lecture des résumés.

Je lirais bien celui-ci, il me faut celui-là, passant un moment interminable à faire semblant de choisir, sachant que je repartirais sans rien. Je ne suis pas de celles qui se font envie devant ce qu’elles ne peuvent avoir, pourtant ce jour-là je ne pu m’empêcher de toucher les livres et de contempler tout ce à quoi je ne pourrai accéder.

Je finis par rentrer bredouille, sans surprise.

Ce qui me rendis dépitée, et profondément triste. Sur le chemin du retour, je m’attardais le long du canal, c’était un jour d’été et il faisait beau. Je me sentais seule et déprimée, et n’avais pas envie de rentrer. Mon sentiment d’injustice et moi nous assîmes sur un banc face aux bateaux, à ruminer sur mon sort, moi qui n’avais même pas de quoi m’offrir un livre.

Cette envie frustrée assombrissait ma journée, et m’avait plongée dans un état d’esprit très noir, dans une grande tristesse, de façon disproportionnée.
Autant l’envie avait été subite et forte, presque incongrue, autant je savais avant de partir que je reviendrai bredouille, autant j’étais déçue de constater qu’en effet, j’étais revenue bredouille. La déception était énorme, enfantine, capricieuse et mordante.

Une silhouette sortit d’un bateau devant moi, et un homme s’approcha.
Il s’assit à côté de moi, et me dit « excusez-moi, est-ce que vous aimez lire ? ».
Sa question était tellement à propos, que j’eu l’impression qu’il avait lu mes pensées, et je bredouillai « oui, pourquoi ? ».
« Parce que je fais un tri, et j’ai plusieurs sacs de livres dont je me sépare, je voudrais les donner à quelqu’un qui aime lire,  je vous les donne si vous voulez ».



Je retournai chez moi avec une vingtaine de livres.

Aucun ne m’a plu finalement (il ne faut pas pousser la chance), mais je suis rentrée ce jour là le cœur léger,  et cet inconnu avait balayé en une seconde tout le ressentiment et la peine que j’avais accumulés au fil de la journée. J’avais du baume au cœur.

J’ai gardé cet instant dans ma mémoire comme une question, un grand point d’interrogation sur ce qui s’est passé ce jour là. Un petit moment de grâce.

Même quand je mets les mots « coïncidences » et « chance » sur ce moment, le point d’interrogation demeure, contre ma volonté, avec un doux sentiment de chaleur, comme un petit bout de pur bonheur, celui d’avoir reçu un cadeau, et d’en avoir fait un en retour, d’un inconnu à une inconnue.