jeudi 31 octobre 2013

Attache-moi



Illustration avec l'aimable autorisation de
Philippe (hôte), Darklight (photographe),
 Misungui (modèle) et Kinbaku PH (senseï)
Mon homme, attache-moi, à toi, à nous, montre-moi qui nous sommes, et dis-moi que mon corps ne peut être que tien

Entoure ma chair de l'essence de ton cœur, donne-moi l’indicible, la chaleur, celle qui brûle en notre sein

Serre-le autour de moi, rassure-moi, dis-moi encore que je suis à toi, offre-le moi, enveloppe-moi et possède moi, vois comme je t’appartiens

Efface le monde autour de nous, arrime mon corps que je le quitte, et libère moi de ton joug, abandonnée entre tes mains

Désincarnée et exposée, laisse-moi tomber au fond de moi, et retiens-moi de ton carcan de soie lorsque j’y serai partie, loin

Sens comme tu possèdes mon âme alors que tu m’enlaces, comme son pouvoir est fort tandis qu'à toi je le passe, et ce qu’il en advient

Évaporée, dans un endroit étrange réfugiée,  je t’honorerai alors d’être de mon corps, l'allié et le gardien

De loin, tes mots qui me caresseront, fils d’Ariane de cet espace sans nom, jusqu'à ton corps contre le mien

Quand j’aurai tout perdu, je t’aurai tout donné, et par son habit tressé, à mon âme tu feras retrouver de son corps, le chemin

Doucement, fais-moi revenir au monde, deviens les liens qui entourent mon être, dis-moi où je dois être alors que je reviens

Délimite mon espace et prépare mon retour, serre mon corps alors que je retombe au creux de ton amour, ébahie que tu sois mien

Si je m'en suis allée je ne t'ai pas quitté, et en ouvrant les yeux je veux m'apercevoir, que tu m'as escortée, en contemplant les tiens

samedi 19 octobre 2013

Le voyage immobile



Il est des cages qui sont invisibles.
Des carcans imaginaires qui enserrent et empêchent de respirer tout l'air que l'on voudrait, des chaînes qui vous rivent au sol quand l'on voudrait voler.

Parfois, on naît avec.
Parfois, elles s'immiscent et se verrouillent doucement, au fil du temps, sans bruit, sans que l'on s'en rende compte.
On se croit libre, mais on est comme l'oiseau auquel on a coupé une plume.
On vole, dans un espace restreint, croyant être libre, on respire, croyant inspirer tout l'air nécessaire.

La vie s'écoule, on apprend à évoluer dans cet espace restreint, qui convient à tout le monde, et l'on fait taire ce qui couve au fond de soi, cet élan qui dit on ne sait quoi, ce chuchotement inintelligible qui voudrait nous dire que l'on attend quelque chose.

On sent bien que l'on est incomplète, sans savoir pourquoi, ce qui nous manque, ce que l'on cherche, ce que l'on espère.
Quelle meilleure façon de ne pas être déçu(e) que de ne rien attendre.

Pourtant c'est toujours là.
Un sentiment d'incomplétude.
Une sensation d'inaccompli.
Une aspiration à l'absolu.
Un trouble qui vient gâcher le vol de l'oiseau qui se croit libre.

Quel paradoxe que de vouloir museler cette voix qui voudrait briser la cage, pour mieux se sentir libre dans cette fausse liberté.
Quelle paradoxe que d'avoir peur de sa liberté, entière.

On traverse alors sa vie comme un voyageur sans destination, visitant des paysages toujours identiques, où il manquerait l'essentiel, le sentiment de se sentir chez soi, le sentiment d'être soi-même, d'être là où l'on voudrait être, où l'on devrait être.
Le sentiment de l'évidence. Je suis moi, et je suis là où je dois être.

Il est des personnes qui sont comme des terres. Elles nous ramènent à nous-même, à nos racines. Des miroirs de l'âme.
On les découvre et c'est soi-même que l'on découvre, on les écoute et c'est notre chuchotement qui devient enfin intelligible, on les suit et c'est notre chemin que l'on parcourt.

Et comme le voyageur s'émerveille en ayant enfin trouvé son port d'attache, comme il sent dans ses tripes que c'est ici, ici qu'il se sentira chez lui, ici qu'il plantera ses racines, comme lui on sent nos propres racines se planter dans son sol, et s'ancrer dans les pas de cet autre qui nous a révélée. Il devient nos terres, notre maison.

On prend alors toute la mesure de la fausse liberté dont on jouissait jusque là, comme si l'on découvrait qu'on avait toujours respiré d'un seul poumon.
On prend la mesure de la vraie liberté, celle d'être enfin soi-même.
On prend le risque d'être libre, quand bien même cette liberté paraîtrait tout le contraire au reste du monde. Quand bien même elle prendrait la forme d'une autre cage, mais que l'on a choisie et dont on peut s'extraire à tout moment.

Parce que face à celui qui nous offre cette liberté et qui seul peut la comprendre et nous l'offrir, face à celui-ci le reste du monde ne pèse pas lourd.

Et si cette liberté s'exprime à priori paradoxalement par des liens, quelle importance, si d'aucun n'y voit que des liens c'est qu'il est aveugle. D'autres liens se tissent, comme les racines dans la terre que l'on a choisie, qui nous a choisie. 
Et plus elles s'ancrent dans cette terre, plus on grandit, plus on s'agenouille à ces racines et plus on s'élève.

Même s'il n'est pas toujours facile de prendre le chemin de la connaissance de soi, que cela ranime des choses enfouies, même si le chemin est sinueux ou douloureux, c'est sur ces terres là que l'on veut désormais cheminer, vieillir et se sentir enfin chez soi, tout en commençant enfin le voyage, le voyage immobile.

vendredi 18 octobre 2013

L'aile et l'île


Elle était un océan tranquille, un océan sans île, sans île à qui offrir son eau. A perte de vue, nul rivage au sable blanc, auquel caresser les flancs de son ressac lancinant. Elle était une mer sans terre, sans terre à porter, un ventre vide sans aucune marée. Elle cherchait son île, celle qui la porterait, elle.

Il vivait dans un autre lieu, un autre temps où elle se disait aime, il parcourait lentement son chemin, pour finalement parvenir à faire peau neuve,  attendant le jour où il serait l’île d’une qui serait son elle, auprès de qui il serait L, pour braver ensemble les épreuves.

Des envolées ils en eurent pourtant, avant que l’écume d’elle ne rencontre son île, avant que son eau ne vienne s’offrir à ses plages exquises. Faux départs, mauvaises arrivées, chutes libres sans ailes, îlots aux amours infertiles, faut-il regretter ces voyages passés quand ils mènent à la terre promise.

Au détour d’un delta, le courant les fît se rencontrer. S’était-il assez amusé de les voir se chercher, ou lassé de les voir s’entêter, à leurs errances il mit un terme.  Nul ne sait lequel pris l’autre sous son aile, qui par l’autre fût sauvé,  l’île avait trouvé son elle, elle avait trouvé son il, un berceau de douceur pour l’île, et pour elle la terre ferme.

Elle s’allonge de toutes ses vagues au bord de son sable, s’étend et s’étire, offrant d’elle la douceur de ses flots. Du sommet de son île, de ses plus hautes cimes, il surplombe l’océan, ancré dans les profondeurs de ses abîmes, maître de ses eaux.

Et lorsqu’au soir couchant, le silence se fait, comme une respiration, on peut entendre au large de l’île un chant répéter doucement, L aime elle, elle aime L, douce rengaine portée par les vents, de leurs cœurs l’expiration.




jeudi 3 octobre 2013

Petite ritournelle d'M


Trois petits points pour trois petits mots, passagers échoués sur une plage tarie, cherchent mes lèvres rougies pour exprimer de mon cœur, l'écho.

Ensablés, fatigués, ils s'étaient endormis, de trop s'être dits, s'étaient évanouis, effarouchés les voilà qui s'éveillent et sortent de leur sommeil.

Trois petits points pour trois petits mots, timidement parcourent les environs, pour un mode d'expression.

Que je caresse ton visage, ils sont au bout de mes doigts, que je t'embrasse ils bataillent au bord de mes lèvres, que je te regarde et au fond de mes yeux tu les vois.

Ils se précipitent sous tes mains dès que tu me frôles, et sont dans chaque atome de mes bras quand ils se font ta geôle. 

Trois petits points pour trois petits mots, petits marins espiègles de mon cœur palpitant, à défaut d'être parlants, voguent au fil de mon eau.

Comme des fruits attendant d'être mûrs [très mûrs, limite...], ils prennent le soleil, se prélassant  sous notre azur.

Et quand au gré de l'eau vive ils auront fait leur chemin, de mes entrailles jusqu'à mes lèvres et leurs murailles, elles s'ouvriront et tu entendras des trois petits points, leur nom.

Petite ritournelle d’m

dimanche 8 septembre 2013

J'aurai ce que je mérite

                                
« La mort ne nous concerne en rien puisqu’elle ne concerne ni les vivants parce qu’elle n’est pas, ni les morts parce que nous ne sommes plus », Epicure.
Alors à quoi servent les rites funéraires ?
A éloigner le corps, nous épargner la vision de sa décomposition, cacher l'épouvante à laquelle nous sommes tous promis. Non, vraiment, à rien d'autre.

Le reste n'est que prétexte à ça, depuis la nuit des temps. Montrer sa peine (ça sert à quoi) ? Dire adieu (à qui ? Il fallait le faire avant !) ? Soutenir la famille (franchement, ça va changer quelque chose à leur chagrin ??) ? 
On se réunit, surpris de constater qu'alors qu'il est trop tard, tout le monde ou presque a répondu présent pour dire adieu à quelqu'un qui n'entend plus, davantage qu'à l'occasion d'un joyeux événement, quand "il était encore temps". La mort rend disponible.

On y pleure, de son propre chagrin ou par compassion, parce que le chagrin de ceux qu'on aime est insupportable.
On écoute un homme qui ne connaissait pas la "disparue", nous dire qu'elle est morte parce qu'elle était bonne et qu'elle est aux côtés de Dieu maintenant, et qu'il faut être heureux pour elle.
Parce que c'est cool d'être aux côtés de Dieu, et qu'il a le droit, lui, de dire "tiens elle est trop bonne, hop par ici".

Quoi ? Elle a 4 filles et un époux qui viennent de perdre leur frère/enfant, sans compter toutes les autres épreuves, et qui n'en supporteront pas davantage ? Baaaaah oui mais bon... tant pis. Moi d'abord.
Et tant qu'à faire, autant faire partir le fils avant la mère condamnée, histoire de bien rajouter de la douleur morale à sa douleur physique avant sa propre mort.
Ben pourquoi tu ne fais pas les choses à fond ? Prends les tous en même temps ! ça change quoi pour toi ?
Ha ben non j'suis bête. Ils n'auraient pas le bonheur de savoir que tu leur fais subir cette "terrible épreuve" parce que tu les aimes justement, et parce qu'ils sont "bons", et sont tes "enfants".
C'est bien connu, on fait souffrir le plus possible nos enfants, en leur rappelant bien que c'est parce qu'on les aime. On va quand même pas se montrer aimant faudrait pas déconner, ça serait trop simple.

Mais faudrait savoir.
Tu prends les bons, mais tu laisses les bons, les premiers parce qu'ils sont bons, les seconds parce qu'ils... sont bons... 
Ha ça y est j'y suis : "Dieu ne peut pas sauver tout le monde".
Alors si mourir, c'est être sauvé... l'enfer c'est ici ? Dans ce cas qu'est-ce qu'on doit craindre si le pire est déjà là ?
Démerdez-vous avec ça.

Bref. Ce simulacre de Père divin, céleste, sert à se rassurer et à atténuer sa propre peine,(pour ma part, la cérémonie ne fait que l'accentuer davantage), la disparue n'a pas vraiment disparu, et elle est plus heureuse qu'elle ne l'a jamais été. (Haaa ben tout va bien alors).
Donc nos pleurs ne sont pas pour elle, on pleure sur nous-mêmes, égoïstement, de la privation de sa présence. Culpabilisons ensemble d'être des crevards qui pleurent sur leur propre sort.
Moi je m'en fous remarquez bien, j'ai bien compris que le chagrin est égoïste, j'assume.
La mort n'est insupportable que pour ceux qui restent et doivent faire sans l'autre, que d'aucun préfèrera imaginer heureux quelque part, et qui selon moi n'est plus du tout et commence à pourrir dans la boîte en face de nous. Game over. ("Play again" étant remis à plus tard pour ceux qui croient que l'univers est une partie géante de flipper).

La thanatomorphose, la transformation ultime. Beurk. Personne ne veut voir ça. On enterre, on brûle, on éloigne, on embaume, on rend "joli", l'autre dort, il semble apaisé, tranquille, et on oublie le temps de son éloignement ce qui se joue dans ses entrailles, et se jouera dans les nôtres.
Les funérailles sont un tour de passe-passe.
D'ailleurs "croque-mort" vient de "croc", faire disparaître.
On ne veut plus le voir (ainsi).
ça me fait penser au film "La plage", où après l'attaque d'un requin le malheureux survivant ne suit pas l'ordre établit et ne meurt pas, commençant à se décomposer aux yeux de tous, leur chagrin laissant la place peu à peu à l'impatience, la gêne, l'agacement, la colère puis son éloignement, pour qu'ils soient enfin tous libérés de sa présence et de son spectacle, et à nouveau insouciants, exemptés de la vision de sa décomposition (et de leur propre issue). Ce qu'on ne voit pas n'existe pas. Oui, en contradiction directe avec la religion.
Chacun se rattrape à ce qu'il peut, pour atténuer sa peine lors de la cérémonie et après. On ne peut le reprocher à personne.

Mais pour ma part tout est très simple.
Ma disparition ne me fera aucun mal puisque je ne serai plus là pour en être consciente.
Comme quoi la mort des autres nous renvoie bien toujours à notre propre fin, ou à celle de ceux qui nous sont le plus chers.
Elle blessera mes proches, mon corps disparaîtra à son tour, et s'il y a quelque chose ensuite, (après tout, rien ne me prouve que ce ne soit pas le cas, ni le contraire), bah j'aurai ce que je mérite.



lundi 5 août 2013

Vous êtes invulnérables



Le vertige.

Qu'est-il finalement que la peur de perdre l'équilibre, et de tomber.

La peur de la chute. Seul(e) face au vide, elle promet l'inexorable fin.

Toute notre vie nous nous efforçons de rester en équilibre, de garder le contrôle.

C'est une lutte difficile et longue, et ces moments où nous nous sentons sur le fil peuvent être terrifiants.

Il est bien des moyens soit d'éviter cette situation inconfortable, soit de trouver la perche qui maintiendra l'équilibre, nous avons chacun les nôtres.

Une manière de nous rassurer, de faire un pas en arrière, de reprendre le contrôle, certain(e)s qu'alors, une fois celui-ci retrouvé, tout ira mieux.

Eviter l'inconfort.              

Parfois on retrouve par le contrôle la sensation d'exister, de laquelle le gouffre se rapprochant nous avait éloigné(e).

On existe notamment par son corps et par le fait qu'on le ressente. D'une manière ou d'une autre.

J'existe puisque je ressens. Et en effet, temporairement, tout va mieux.

Et si j'existe, on me verra. Mais ne verra-t-on que la preuve de l'existence, ou l'existence elle-même, voilà qui redonne le vertige.

Et le jour où l'on nous voit, où l'on nous voit vraiment, le vertige reprend, plus fort.

La peur de tomber, la peur de la chute.

Sauf que...

Sauf qu'il arrive un moment où l'on réalise, (non sans une aide "bienveillante" pour utiliser un euphémisme), d'une façon plus ou moins brutale, que la peur de tomber est une "mauvaise peur", que s'évertuer à garder l'équilibre est une fausse bataille, épuisante, et que la chute n'est pas une fin.

Le cataclysme est bouleversant, car rétrospectivement cette prise de conscience éclaire d'un jour nouveau tout notre vécu, et nous laisse entrevoir un avenir différent, dans lequel nous n'aurions plus à chercher en/sur nous mêmes, la preuve de notre existence (et de son utilité).

Ce qui veut dire que nous "fonctionnions" mal jusqu'à présent, et le réaliser est une révélation.

Que nous trouvions l'Autre, et tout prend sens.

Il ne faut pas avoir peur de la chute.

Il faut tomber.

Il ne faut pas garder l'équilibre, il faut le perdre.

Il ne faut pas garder le contrôle, il faut se libérer en l'offrant, en toute confiance.

Alors seulement la chute prend sens également.

C'est une naissance. Même pas une renaissance.

Elle est nécessaire, elle est même indispensable.

Elle n'est pas la fin redoutée, mais le commencement.

Il faut tomber, se perdre, en sachant que l'on nous rattrapera, en ayant tellement foi en cela qu'on en vient à désirer tomber, ce que nous avions évité tout au long de notre vie, de toutes nos forces.

L'Autre vous a conduit au bord du gouffre, sans que vous n'ayez compris son dessein au préalable, jusqu''à ce que le vide se trouve subitement devant vous.  Il a volontairement généré ce malaise, cette mise en danger. Un moment d'affolement qu'il sait calmer, il connait le chemin vers lequel il vous guide, et vous le ressentez à chaque instant.

Il ne faut plus se débattre et résister, c'est douloureux et c'est la cause du vertige. Il faut se rendre.

Il attend patiemment le moment de cette naissance.

On offre alors sa chute et l'on s'offre soi-même, on se jette dans le vide les yeux fermés et les bras tendus, et l'on réalise qu'on lui offre ce qu'on avait toujours refusé jusqu'à présent, alors que l'on gardait l'équilibre sur le fil.

L'abandon et la confiance absolue.

L'acceptation.

Et dans la chute l'écho se fait de cet abandon, de ce qu'il représente pour l'un et pour l'autre, et vous vous en délectez.

A partir de cet instant, on a levé le voile que vous aviez devant les yeux depuis toujours.

Vous êtes.

Et vous êtes fier(e) d'avoir compris la "leçon" et de mériter la chute qu'il vous offre.

Et pour l'un comme pour l'autre, plus rien ne peut plus vous atteindre.

Vous êtes invulnérables.

 

dimanche 4 août 2013

Reddition consentie


Au creux de ses mains, je veux me reposer et lui confier, comme après un sommeil sans fin, le premier de mes matins.

J’offre mes jours et j’offre mes nuits, ma première et ma dernière pensée, du fond de mon cocon tissé j’offre celle que je suis comme celle que je serai.

A ses genoux ne vous y trompez pas, je m’élève et grandis, il me voit comprenez-vous, d’une mesure que vous ne connaissez pas.

Ses mots d'homme ont l'inflexion d'une voix étrangère aux paroles familières, et doucement  mon cœur s'abandonne.

Sur le chemin où il me précède, dans ses pas je veux poser les miens, à l’abri dans la sienne, ma main, heureuse qu’il me possède, conscient de son bien.

Je me moque des feux de paille, des fausses lumières et des mauvaises étoiles, je veux le perpétuel commencement, la confiance sans faille.

Je veux, à genoux sous le ciel, admirer mon étoile du Nord, et dans ses yeux voir que je m’y reflète, plus que tout le reste, volontaire prosternée à sa voûte céleste.

Je veux un phare dans mes tempêtes, la lumière dans mes nuits, être l’accalmie de ses tourments, son repos après la quête.

Etre son refuge et sa source, sa force et sa faiblesse, qu’il soit mon tout, mon absolu, le chant de toutes mes messes.

Aliénée de nos liens, prisonnière en toute liberté, à d’autres chemins offerts je veux préférer la cage ouverte de ses mains.

Et quand nourri de ses espoirs et caressé de ses envies, le cocon aura œuvré, de mes ailes déployées je veux à ses pieds me poser, pour que commence notre histoire, reddition consentie.

 

mardi 16 juillet 2013

Ne devenez pas adultes, c'est un piège !


Je veux pouvoir sourire à l'inconnu sans qu'il se demande ce que lui veut cette folle (ou cette allumeuse).

Je veux des rires à en pleurer, de ceux qui coupent le souffle et qui vous laissent sans force.

Je veux pleurer pour peu de chose, je veux pleurer des rivières sans qu'on me dise "reprends-toi".

Je veux frissonner de peur et trembler d'espérance, croire que tout est possible et que c'est pour demain.

Je veux m'emballer au quart de tour, pour regretter la minute d'après, sans perdre celui qui a provoqué ma colère.

Je veux mourir d'envie d'une broutille et l'oublier dans la foulée, je veux des désirs spontanés, des plaisirs fugaces et des déceptions passagères.

Je veux l'impatience qui fait trépigner, l'attente qui fait rêver, celle qui empêche de dormir.

Je veux l'émotion qui serre le coeur et fait trembler la voix, celle qui scelle les lèvres et fait trembler le menton.

Je veux exploser de bonheur comme on est emporté par les flots, la digue ayant cédé, sans retenue.

Je veux croire que ceux qui partent reviendront demain.

Je veux avoir confiance et toujours avoir mal d'être trahie, sans jamais ressentir d'indifférence.

Je veux toujours m'étonner de la nature des gens, que chacun d'eux reste une interrogation qui rebondit sur son point autour de moi, sans jamais penser que je connais tout d'eux.

Je veux croire que ceux que j'aime sont éternels et ne pas redouter leur perte, je veux que l'instant présent soit le reste de la vie.

Je veux pouvoir aimer sans réserve, et ne jamais avoir honte d'avoir été flouée, si j'ai aimé vraiment.

Je veux m'émouvoir d'un rien, et m'émerveiller de tout, sans jamais être blasée.

Je veux les grands chagrins, les peines et la souffrance, je veux croire qu'il n'y a rien de plus grave, et pouvoir tout oublier le lendemain.

Je veux mourir de désespoir et brûler de plaisir.

Je veux des mots qui claquent et des silences qui résonnent, je veux qu'on écoute et qu'on respecte les deux.

Je veux manger tout ce que j'aime, tremper mon doigt dans la confiture, reprendre du gâteau, sans penser à ma silhouette et au regard des autres.

Je veux faire des paris stupides et me dégonfler, je veux toujours me dire "et ça fait quoi si je fais ça ?", et faire l'expérience.

Je veux tortiller mes cheveux en étant dans la lune.

Je veux la spontanéité sans le jugement, le plaisir sans la culpabilité.

Je veux des serments et des pour toujours, des adieux et à jamais, et pour chacun je veux des mots qui me le disent.

Je veux m'indigner et me révolter, me passionner et m'attendrir.

Je veux m'endormir éreintée de ma journée, et tout recommencer le lendemain avec la même ferveur.

...

Je veux... avoir cinq ans ???

C'est un peu ça non quand on est enfant ?

A quoi a-t-on renoncé en grandissant, pour s'éviter chagrins et souffrances, quels compromis avons-nous consentis pour moins ressentir, qu'avons-nous perdu en chemin ?

Qu'en est-il de nos joies si elles ne rayonnent pas à l'ombre de nos peines, qu'en est-il du plaisir de découvrir si nous nous perdons dans nos certitudes...

Savons-nous seulement encore rire de tous nos rires, et pleurer de toutes nos larmes, savons-nous encore profiter du présent, le pouvons-nous encore ?

Une toute petite phrase lue aujourd'hui, disait :

"Ne devenez pas adultes, c'est un piège !"

 

samedi 13 juillet 2013

Ce soir, les poubelles seront pleines


Je m'encombre facilement, je laisse s'accumuler les choses, de-ci, de-là, et ma maison qui ne comprend pourtant pas beaucoup de meubles, finit par ressembler à un mini dépôt vente. Ma vie aussi.

Rien n'est à sa place, rien n'a de place nulle part, tout traîne partout, toutes les petites choses attendent de trouver un endroit à elles. D'autres n'ont plus leur place ici.

Le poster acheté il y a plusieurs semaines est encore enroulé dans un coin, des livres traînent sur le meuble tv, ses casiers sont remplis de papiers qui attendent d'être triés, l'amoncellement grandissant un peu plus au fil du temps.

Toutes ces petites choses ne sont pas inutiles, mais la plupart ne sont pas essentielles. Assez de "ça pourrait me servir plus tard", assez de "je le porterai peut-être à nouveau", assez de "c'est pas très beau mais ça fera l'affaire".

J'ai besoin d'essentiel, de m'alléger (dans tous les sens du terme), de me débarasser du superflu, j'ai besoin de clarté, d'y voir clair. J'ai besoin d'être plus exigeante, sur tous mes choix. Sur ce qui reste et sur ce qui pars.

Il faut que je range et il faut que je jette. Il faut que je décore et il faut que je dépouille.

On fait parfois le ménage pour mieux ranger sa vie. Pour commencer par quelque chose. Quand tout est devenu si lourd que l'on n'a pas d'autre choix que de se secouer et de passer à l'action.

Il arrive un moment où ça devient salvateur.

Les choses, les objets, recellent des souvenirs qu'on garde sans toujours savoir pourquoi, bien qu'ils n'évoquent pas toujours de bons moments. On reste attaché à des personnes qui n'apportent rien, et auxquelles on ne peut rien apporter.

On reste dans ces vieux décors comme on reste dans sa peine, comme une vieille compagne qui ne nous a jamais fait beaucoup de bien, mais qu'on a malgré tout peur de voir partir.

Des témoins d'un temps passé, que l'on a peur d'oublier, alors qu'ils ne sont que des ancres qui nous empêchent d'avancer. On a tellement l'habitude de faire avec ce poids qu'on l'oublie, alors qu'il est bien là et nous ralentit, nous immobilise même. On oublie la cause de cet immobilisme, alors qu'on baigne dedans. Comme un parfum trop familier que l'on ne sent plus. On finit presque par aimer sa peine, comme on aime ses vieux objets.

A chaque chose jetée, l'espace s'aère davantage, et l'esprit s'allège d'un poids qui le lestait au sol.

Il y a des choses sur lesquelles je peux agir. D'autres sur lesquelles je n'ai aucun moyen d'interférer.

S'occuper des premières, et oublier les secondes, ou faire avec, en cessant d'espérer pouvoir y changer quelque chose, en cessant de souffrir parce que je ne peux pas les changer.

On m'aime, tant mieux, on ne m'aime pas, tant pis. Mais pas pour moi.

Hop, le sentiment d'échec, le pincement au coeur, la rancune, à la poubelle avec ce vieux magasine, avec ce vieux cd, avec cette robe que je ne mettrai plus.

Je ne veux pas plus m'encombrer de colère ou de remords que de vieilles fringues ou de vieilles photos.

Du balais, place nette.

Tout nettoyer, tout vider, tout épurer.

Pour mieux le remplir de ce qui le mérite.

Pour ensuite pouvoir regarder autour de soi, et pouvoir se dire "ça, c'est moi. J'aime tout ce qui est là, tout ce qui m'entoure, rien n'est en trop, rien ne me pèse, rien ne m'assombrit.".

Pouvoir regarder sa vie et se dire qu'on a enfin laissé derrière soi les fardeaux que l'on traînait depuis longtemps, même si on ne peut se débarasser de tous.

Savoir dire "tant pis", et arrêter de dire "tant pis mais pourquoiiiiiiii, et si j'avais..... et si.... et si....".

Tant pis et baste, passer à autre chose, hop, poubelle.

Ce (et ceux) qui doit rester reste, ce qui ne sert qu'à gâcher le paysage,  à cacher la lumière, bye, par ici la sortie.

Hors de ma maison et hors de ma vie.

Ce soir, les poubelles seront pleines !

 

jeudi 11 juillet 2013

Dans le silence du monde


Il s’éveille souvent le soir. Quand le monde s’endort et éteint ses lumières, il me dit que je suis seule, et je lui dis de se taire.

Il commence par un murmure, à peine le souffle d’un mot. Je le comprends à peine, mais connais son propos.

Alors, le son de la télé envahit la pièce, et dans la lumière bleue, j’attends qu’il disparaisse.

Quel espoir illusoire, que cette attente est vaine. Qui a jamais su ôter l’espoir de ses veines ?

Puis la nuit tombe, et ses mots retentissent dans l’espace, résonnant au rideau des étoiles, leurs improbables paroisses.

Il me parle d’un autre, d’un possible meilleur, où l’on a quatre bras, pour porter joies et malheurs.

Puis, moqueur, me renvoie en miroir, en plein visage l’absolue solitude, de mon cœur le pillard.

Il me dit que la vie est une danse, et qu’elle se fait à deux, que pour une misérable, la chandelle n'en vaut pas le jeu.

Il rit de mes attentes et rit de mes détresses, répète à qui veut l’entendre que je ne suis que faiblesse.

Qu’au ballet des amours, les plus fortes s’en sortent, les mendiantes maladroites y prennent plutôt la porte.

Alors que je m’endors, je l’implore de se taire, et demain peut-être, il partira à l’aurore, à son tour solitaire.

Pour une journée, une journée seulement, je m’amuserai à croire qu’il ne chantera plus ses tourments.

Je prendrai soin de cacher sa présence, compagnon invisible de chacun de mes pas, vous ne le verrez pas.

Il attendra le soir, et ses absences fécondes, pour résonner à nouveau dans le silence du monde.
 

mardi 9 juillet 2013

A chacun son arc en ciel


Je ne dormirai pas chez moi ce soir-là, aussi, en étourdie que je suis, j'avais préparé ma liste de petites affaires à ne pas oublier, et à checker avant de partir.

Le cœur en fête, j'avais pris le volant, une petite heure de route devant moi, jolis paysages, soleil plombant et musique plein l'habitacle, le sourire scotché au visage. Je repoussai le petit nuage noir me rappelant le retour au travail lundi, qui essayait de se frayer un chemin dans ma tête et d'assombrir mon horizon.

Je ne partais pas en vacances, mais j'en avais l'impression, et me sentais le cœur aussi léger et impatient que si j'allais bientôt entrevoir la mer entre deux collines. Ou presque. A bien y réfléchir, je ne crois pas qu'une autre situation puisse me procurer la même impatience fébrile.

A environ vingt kilomètres de la maison, je réalisai que je n'avais pas checké ma liste. La routine.
Une étourdie qui essaie d'être organisée pour palier à son étourderie... peine perdue.
Rien de bien grave, mais j'allais avoir froid sans gilet et bras nus, la nuit tombée.

Un petit arrêt pour récupérer les troupes, et nous voici partis pour le festival reggae. Une bonne soirée en perspective, bien que je ne sois pas familière des concerts et pas des plus à l'aise dans la foule.

Le village qui abritait l'évènement n'avait pas encore été investi par les festivaliers à notre arrivée, et, disposant d'un peu de temps avant l'ouverture des portes, petit rafraîchissement à la terrasse d'un café à proximité.

Autour de nous, les premiers arrivants faisaient de même, et leurs tenues annonçaient la couleur, dans tous les sens du terme.

Assis à l'ombre et sirotant un verre, l'atmosphère invitait à la détente, au partage, nous profitions d'une démonstration impromptue de djembé grâce à nos voisins de table. Si nous n'étions pas encore dans l'ambiance, voilà qui était fait.

L'accès au festival enfin possible, hop let's go. Allégés de dix-sept euros, (ça a intérêt à valoir le coup), nous entrons dans ce qui sera le temple du reggae pour la soirée et une partie de la nuit. Trois pelés et deux tondus, mais nous sommes en avance, fait qui ne m'est pas coutumier. Le monde arrivera plus tard (hein ?).

C'est un peu comme un club de vacances finalement, il faut échanger ses sous contre des jetons. Sans doute pour vous faire oublier le coût de ce que vous achèterez, et à en voir l'activité des premiers arrivants, ce qui sera le plus acheté sera la bière.

Petite piqure d'appréhension, je m'imagine en fin de soirée noyée dans une foule complètement bourrée, sachant qu'un seul mec rien qu'éméché me fait peur (mauvais souvenirs)... mais restons positive. Et puis je ne suis pas venue seule, donc tout ira bien.

Ici et là, des rastas sont allongés dans l'herbe, bière à la main, cigarette (encore "normale") dans l'autre, on boit on fume et mange par petits groupes, pas forcément homogènes.

Petit creux nous aussi, et puisqu'il n'est pas possible d'avoir du poisson et des légumes vapeur, (ils ne sont vraiment pas conciliants), j'enterre allègrement ma semaine d'efforts pour un hot-dog/frites.

J'essaie de ne pas donner l'impression de la fille qui n'a jamais rien mangé d'aussi bon de toute sa vie, et j'ai une pensée émue pour mes longues minutes d'agonie sur ce fichu vélo, les jours précédents. RIP mes efforts. Au moins j'éviterai la bière, je n'aime pas ça.

Une petite scène intermédiaire diffuse la musique ambiante, jusqu'à ce que le son du premier groupe nous parvienne aux oreilles. Je suis un peu inquiète que le premier concert débute alors que nous sommes si peu nombreux, je n'ai pas envie d'être pressée comme un citron dans la foule, mais bon c'est un festival quand même, pas la fête à Pierrot dans son garage... ils sont où les gens ?

On pourrait presque faire, comme j'adore en réunion, un tour de table et se présenter un à un (bon j'exagère un peu), mais la chanteuse se lance et fait son maximum pour arranguer la "foule".

Voix agréable, mélodies sympa, bonne musique, mais... petite vérification auprès de mon collègue. Ok elle chante bien en français, et je ne suis pas la seule à ne comprendre qu'un mot sur dix, me voilà rassurée. Prestation plus que correcte, ça met dans le bain, et il faut du courage pour ouvrir la soirée devant un public clairsemé.

L'espace se remplit peu à peu, et nous profitons de l'entre deux scènes pour faire un tour et nous assoir un peu (à ma demande, mon vieux dos me rappelant mon grand âge après une station debout prolongée).

Le deuxième groupe donne rapidement du son. La foule est bien là cette fois, et alors là, ok, on a du son, du bon son, une sacrée énergie, des voix, ça ne joue pas dans la même cour que le premier groupe, ça se sent tout de suite. Les pieds se décollent du sol, ça bouge partout, et on est passés du "pas mal" au "wahou..." d'un coup d'un seul.

Tout autour de nous, des volutes s'élèvent, nous entourant et nous enveloppant littéralement de ces clopes qui passent de main en main.

Le groupe nous sidère et nous emporte complètement avec lui, maîtrise totalement et nous offre notamment une reprise magnifique de "Ain't no sunshine when she's gone".
Sous le charme la prestation prend fin, et nous filons faire un tour et acheter leur maxi cd (que j'écoute en boucle depuis).

Beaucoup moins impatiente pour le prochain concert, Tonton David, je ne suis pas fan.

Et pour cause, je confonds avec Doc Gynéco... Ce dont je m'apercevrai plus tard.

Dès son apparition j'ai envie d'être ailleurs, bla bla bla, dix minutes de délires sur tout et n'importe quoi et cinq minutes de chanson, ses tentatives de traits d'humour, ses "Seiiiiiiiigneuuuuuur" toutes les deux minutes me hérissent le poil, et je ne tiens pas plus longtemps, je m'éclipse fumer tranquille plus loin.

Peut-on être tranquille longtemps à ce type d'évènement ? Non. D'ailleurs on n'y vient pas pour ça non plus. Qu'importe, c'est l'occasion d'échanger.
Ce que je fais avec le jeune homme qui me demande s'il peut s'assoir à côté de moi, en espérant qu'il n'est ni trop plein ni trop lourd.

Heureuse surprise, ni l'un ni l'autre. Je n'en dirai pas autant de la jeune fille qui se vautre à ma droite pour tenter de s'assoir, deux bières en main, complètement bourrée.

S'en suit un échange surréaliste, le taux d'alcoolémie de la jeune fille lui donnant des élans d'amour et de philosophie d'un niveau inversement proportionnel au dit taux d'alcoolémie, moi tentant d'éviter tant bien que mal ses bières qui tanguent dangereusement au gré de ses balancements, le jeune homme essayant de comprendre ses propos, une expression d'incompréhension sur son visage me faisant mourir de rire. Il me demande si elle lui fait du rentre dedans... "ben mon pauvre j'en n'ai aucune idée, c'est ou tout l'un, ou tout l'autre". Oui parce qu'en substance, son discours c'est "toi je t'aime tu vois, mais en fait je t'aime pas non plus, parce que l'amour tu vois, c'est pas ça, mais moi tu vois je fais ce que tu veux". "Heuu, fais attention à ce que tu dis quand même". "Non je veux dire que je fais ce que tu veux, enfin ce que je veux, parce que je vous aime vous, mais pas n'importe qui non plus, mais j'm'en fous en fait, vous êtes super, tu veux ma bière ?".

Hé ben c'est-à-dire qu'à moins de sucer le sable, t'en n'as plus qu'une.

Un miracle que j'ai pu échapper à ce premier accident. Je la récupère de justesse deux fois alors qu'elle manque de tomber, et là, deuxième miracle, elle ne renversera pas sa deuxième bière.

On peut aussi parler d'un troisième miracle, elle aurait pu me vomir dessus, mais non. Quelqu'un d'autre en profitera sûrement plus tard dans la soirée.

Elle n'est pas en voiture, c'est déjà ça. Son amie viendra la récupérer, le jeune homme me raconte un peu ses tourments, très simplement et avec beaucoup de pudeur, et j'apprécie sa retenue comme ces aveux qu'il partage avec moi, avant d'aller retrouver ses amis.

Il ne conduit pas non plus, et je me dis en lui souhaitant une bonne soirée que merde, j'ai pris un coup de vieux, je ne peux pas m'empêcher de m'assurer qu'ils rentreront bien.

Copier cent fois en rentrant "je ne suis pas la mère de tout le monde".

Quatrième et dernier groupe, après une attente interminable. Dans la foule, certains sont assis ou allongés, et pour le reste ça titube plus que ça ne marche. Je regarde à peine les musiciens tant je suis occupée à observer le monde autour de moi, la majorité des festivaliers étant à présent pour la plupart imbibés jusqu'à la moelle et complètement partis.

J'appréhende tellement leur manque de contrôle que je ne profite pas, je suis gelée et ne me sens plus en sécurité, probablement un sentiment disproportionné mais c'est plus fort que moi.

Mon collègue n'aura pas à me demander deux fois si je veux rentrer.
C'est ça de sortir une vieille !

Au chaud dans la voiture, nous constaterons que l'on sent la clope qui fait rire à plein nez, nos vêtements sont imprégnés. Moi ça ne me gêne pas, j'adore l'odeur.

Il me demande où sont les rastas tout le reste de l'année, comme on se le demanderait d'un peuple migrateur. Ma foi, probablement en train de se fabriquer une vie parfaite, en cherchant l'arc en ciel, comme le chantait l'un des groupes : "perfect life is like the rainbow, you can see it from your window, everybody wants to find it, but nobody knows how to reach it".

A chacun son arc en ciel.

vendredi 5 juillet 2013

Qui t'a rattrapée, toi, quand tu es tombée ?


Il n'est pas besoin de partir loin pour se sentir ailleurs, déconnecté du quotidien, ni de destinations du bout du monde pour offrir à quatre enfants des vacances de rêve.

Un bout de nature où courir pieds nus, un ruisseau où faire des jeux d'eau, peuvent suffire à leur bonheur, si tant est qu'ils n'aient pas été blasés par les jeux virtuels.

C'était une époque où ces derniers n'avaient pas encore la main mise sur leur créativité et leur capacité d'émerveillement au contact de ce qui les entourait, et où les choses simples étaient encore les meilleures. Une époque polaroïd.

Un matin comme un autre, un au revoir comme un autre de cet homme à sa femme et ses enfants, alors qu'il part travailler.

Leur journée serait probablement remplie de rires, de chamailleries d'enfants, les petits ne prendraient pas de coups de soleil, leur mère y veillerait, et ils partiraient à la découverte de ce territoire inconnu, leur bout du monde au milieu des campeurs.

Lui, à quoi pensait-il alors qu'il roulait vers sa journée de travail, revoyait-il le visage de sa femme, de ses enfants, pensait-il aux tâches qui l'attendaient, se disait-il qu'il irait bien pêcher le week-end prochain, pensait-il à la pétanque qu'il ferait à son retour ?

C'était un matin d'août, un matin comme un autre.

Le jour où cette femme est devenue leur héroïne, où le destin a choisi de lui imposer l'épreuve d'une vie, (peut-être pour voir comment elle s'en sortirait), ressemblait à tous les autres matins dété, léger, chaud et prometteur.

Le destin est implacable et impoli. Il ne s'annonce pas. Il s'invite dans votre vie, et à peine avez-vous entrevu ce qu'il amène, il a déjà le pied dans l'entrebâillement de la porte, que vous ne pouvez plus refermer.

Il vous rentre sous la peau qu'il tatoue pour toujours.

Comme une mouche à laquelle un enfant cruel aurait arraché les ailes, elle a perdu les siennes ce jour là.

Le destin s'est présenté dans des uniformes bleus.

Il est des nouvelles que l'on comprend sans paroles. Elles sont écrites en lettres capitales sur les visages du destin, et l'impact vous frappe et vous coupe le souffle, vide littéralement l'air de vos poumons, avant que les mots ne soient prononcés.

C'était arrivé. C'était notre "putain de camion" à nous, le moment où il est devenu un souvenir.

Où a-t-elle trouvé la force de se relever de cette épreuve qui l'avait clouée au sol, comment a-telle fait pour poursuivre sa route avec ses quatre enfants, qui n'ont jamais entendu une seule plainte franchir ses lèvres ?

Elle a traversé les années, seule avec eux, veillant à leur éducation et leur bien-être, peinant jusqu'à devenir presque transparente sur son vélo par tous les temps, pour aller s'éreinter de longues journées afin de subvenir à leurs besoins.

Elle a pris toute la place dans leur cœur, même celle qui était restée béante.

Elle est devenue cette vieille dame, qui s'inquiète toujours pour eux, qui est toujours là pour eux, forte, généreuse, aimante et invincible, toujours prête à les rattraper s'ils venaient à tomber.

Un modèle inégalable, la résilience personnifiée.

Qui pourrait deviner l'épreuve qu'elle a traversée en la regardant, l'abnégation dont elle a fait preuve tout au long de sa vie ?

Elle a enterré en même temps que son époux, la  jeune femme qu'elle était, pour devenir une mère irréprochable, vous savez, celle dont parlent  tous les bouquins sur la maternité.

Elle existe, c'est la mienne.

J'ai tant d'amour pour elle et pour la jeune femme qu'elle a été, tant  d'admiration pour la vie exemplaire qu'elle a menée, pour tous les sacrifices qu'elle a dû faire et dont nous ne saurons jamais rien, pour le courage de cette femme et son infaillible volonté.

Tant d'admiration pour elle que la vie a peut-être endurcie, mais dont la dureté ne nous est jamais aparue, dont le foyer a toujours été si doux et rassurant, qu'il a été bien difficile à quitter.

Elle a rempli nos vies de larmes de rire, que nous partageons si souvent avec elle, nous quatre aujourd'hui tellement éperdus d'amour et de reconnaissance.

Mais maman, qui t'a rattrapée, toi, quand tu es tombée ?



 

jeudi 4 juillet 2013

Il est temps d'aller lui dire ma poésie


Ce petit accident domestique qui a occasionné trois semaines de repos forcé, non moins apprécié cependant, me permet de m'adonner à l'un de mes sports préférés, la grasse matinée.

Oui, je suis très sportive.

Les loulous étant partis chez papa, rien, le matin, ne m'oblige à me lever tôt.

La chienne attend sagement les bruits annonçant que sa nonchalente maîtresse vient enfin de poser un pied par terre.

Et c'est avec délectation que je traîne au lit, un bouquin à proximité s'il me venait l'idée d'ouvrir l'oeil un peu trop tôt, pour m'inciter à traîner davantage, le nez dans son histoire, pelotonnée sous la couette.

La journée appartient à ceux qui se lèvent tôt, pas grave, je vous la laisse, je préfère la nuit.

Bien-sûr il est des façons plus agréables de profiter d'une grasse matinée, mais bon, on fait avec ce qu'on a n'est-ce pas, et en l'occurence.... un bouquin.

Il m'est arrivé d'être bien plus mal accompagnée.

Et puis l'heure tourne, et un soupçon de culpabilité pointe le bout de son nez, me faisant enfin me lever.

A défaut de bras aimants, ce sont les quatre pattes de la chienne qui trépignent de bonheur en m'apercevant enfin, alors que j'ouvre la porte du couloir, comme si chaque matin me ressuscitait.

Non, elle n'a pas dormi sur le canapé, c'est interdit, et je ne saurai jamais quel autre petit chien fantôme et farceur y fait chaque nuit ces traces de pattes et simule la trace de son corps là, tout contre le coussin...

En touchant l'empreinte, je découvre que les fantômes des petits chiens ont le corps chaud.

Elle fait semblant de n'avoir jamais goûté au moelleux du divan, je fais semblant d'y croire, un petit deal entre nous.

Je fais le tour de la pièce, ouvrant un à un les volets roulants, une boule de poils faisant une danse frénétique sur mes talons, le museau tendu vers sa version du paradis, mes bras.

Je lui offre le paradis, tout laissant entrer le jour de mon bras libre, et en évitant autant que possible ses démonstrations d'amour, visant mon visage.

Au passage, je fais semblant (encore) de ne pas voir le vélo d'appartement, sur lequel je regarderai plus tard (normalement...) défiler trop lentement ces maudites calories, non sans accompagner ma souffrance de quelque poésie ("putain j'vais mourir", "mais comment ils font pour aimer ça, faut être malade", "aaaarrrrggggghhhh", "j'en peux plus", "le chrono déconne c'est pas possible", etc).

Les quinze minutes (le premier qui dit "seulement ?" je l'explose) les plus longues de ma journée.

Je me risque à ouvrir la baie vitrée pour observer les gens pressés, quel bonheur de ne pas rejoindre leur course pour l'instant, prenant le risque de créer l'accident d'un automobiliste qui aurait aperçu le temps d'un regard, mes yeux hagards et mes cheveux emmêlés, -dans ma longue nuisette vaporeuse-, dans mon cycliste/débardeur envoûtants. (Ben oui, je vais normalement faire du vélo, pas défiler sur le podium).

Ma balance est de bonne humeur et m'annonce -2kg, c'est bien, elle n'aura pas de coup de pied aujourd'hui. A l'agonie (presque) chaque matin sur ce maudit vélo, elle a intérêt à se montrer conciliante.

Avec le soleil, ça fait deux bonnes nouvelles, le sourire tient à si peu de choses parfois.

Un café à la main, je jette un rapide coup d'oeil circulaire à la pièce. Ha oui quand même. Un jour, il faudrait que je range.

Pas moyen de mettre le désordre ambiant sur le dos des enfants (ben quoi, ils servent aussi à ça).

Cette chienne est vraiment désagréable (on fait avec ce qu'on a, bis).

Dehors, le voisin joue avec son fils, et j'ai une pensée pour le miens.

Pas la peine d'attendre un hypothétique sms de mon grand, il a le sms aussi monosyllabique que son père. Et je dois reconnaître qu'il a fait un superbe effort, alors qu'en lui disant au revoir je lui suggérais de m'envoyer un petit mot de temps en temps.

A peine avait-il fait 10m dans la voiture de son père, qu'il m'envoyait "salut tout se passe bien il fait beau bisou".

Voilà, ça c'est fait. Même pas au pluriel le bisou.

Cet enfant a le même humour que sa mère, on n'est pas rendus.

Un autre début de journée solitaire, mais le cœur léger aujourd'hui.

Il est des matins plus faciles que d'autres, où un rayon de soleil efface momentanément les absences, des enfants et des autres, qui tendent à prendre tellement de place habituellement.

Elles reviendront bien assez tôt.

Le vélo, lui, est toujours là.

Il est temps d'aller lui dire ma poésie.