jeudi 31 octobre 2013

Attache-moi



Illustration avec l'aimable autorisation de
Philippe (hôte), Darklight (photographe),
 Misungui (modèle) et Kinbaku PH (senseï)
Mon homme, attache-moi, à toi, à nous, montre-moi qui nous sommes, et dis-moi que mon corps ne peut être que tien

Entoure ma chair de l'essence de ton cœur, donne-moi l’indicible, la chaleur, celle qui brûle en notre sein

Serre-le autour de moi, rassure-moi, dis-moi encore que je suis à toi, offre-le moi, enveloppe-moi et possède moi, vois comme je t’appartiens

Efface le monde autour de nous, arrime mon corps que je le quitte, et libère moi de ton joug, abandonnée entre tes mains

Désincarnée et exposée, laisse-moi tomber au fond de moi, et retiens-moi de ton carcan de soie lorsque j’y serai partie, loin

Sens comme tu possèdes mon âme alors que tu m’enlaces, comme son pouvoir est fort tandis qu'à toi je le passe, et ce qu’il en advient

Évaporée, dans un endroit étrange réfugiée,  je t’honorerai alors d’être de mon corps, l'allié et le gardien

De loin, tes mots qui me caresseront, fils d’Ariane de cet espace sans nom, jusqu'à ton corps contre le mien

Quand j’aurai tout perdu, je t’aurai tout donné, et par son habit tressé, à mon âme tu feras retrouver de son corps, le chemin

Doucement, fais-moi revenir au monde, deviens les liens qui entourent mon être, dis-moi où je dois être alors que je reviens

Délimite mon espace et prépare mon retour, serre mon corps alors que je retombe au creux de ton amour, ébahie que tu sois mien

Si je m'en suis allée je ne t'ai pas quitté, et en ouvrant les yeux je veux m'apercevoir, que tu m'as escortée, en contemplant les tiens

samedi 19 octobre 2013

Le voyage immobile



Il est des cages qui sont invisibles.
Des carcans imaginaires qui enserrent et empêchent de respirer tout l'air que l'on voudrait, des chaînes qui vous rivent au sol quand l'on voudrait voler.

Parfois, on naît avec.
Parfois, elles s'immiscent et se verrouillent doucement, au fil du temps, sans bruit, sans que l'on s'en rende compte.
On se croit libre, mais on est comme l'oiseau auquel on a coupé une plume.
On vole, dans un espace restreint, croyant être libre, on respire, croyant inspirer tout l'air nécessaire.

La vie s'écoule, on apprend à évoluer dans cet espace restreint, qui convient à tout le monde, et l'on fait taire ce qui couve au fond de soi, cet élan qui dit on ne sait quoi, ce chuchotement inintelligible qui voudrait nous dire que l'on attend quelque chose.

On sent bien que l'on est incomplète, sans savoir pourquoi, ce qui nous manque, ce que l'on cherche, ce que l'on espère.
Quelle meilleure façon de ne pas être déçu(e) que de ne rien attendre.

Pourtant c'est toujours là.
Un sentiment d'incomplétude.
Une sensation d'inaccompli.
Une aspiration à l'absolu.
Un trouble qui vient gâcher le vol de l'oiseau qui se croit libre.

Quel paradoxe que de vouloir museler cette voix qui voudrait briser la cage, pour mieux se sentir libre dans cette fausse liberté.
Quelle paradoxe que d'avoir peur de sa liberté, entière.

On traverse alors sa vie comme un voyageur sans destination, visitant des paysages toujours identiques, où il manquerait l'essentiel, le sentiment de se sentir chez soi, le sentiment d'être soi-même, d'être là où l'on voudrait être, où l'on devrait être.
Le sentiment de l'évidence. Je suis moi, et je suis là où je dois être.

Il est des personnes qui sont comme des terres. Elles nous ramènent à nous-même, à nos racines. Des miroirs de l'âme.
On les découvre et c'est soi-même que l'on découvre, on les écoute et c'est notre chuchotement qui devient enfin intelligible, on les suit et c'est notre chemin que l'on parcourt.

Et comme le voyageur s'émerveille en ayant enfin trouvé son port d'attache, comme il sent dans ses tripes que c'est ici, ici qu'il se sentira chez lui, ici qu'il plantera ses racines, comme lui on sent nos propres racines se planter dans son sol, et s'ancrer dans les pas de cet autre qui nous a révélée. Il devient nos terres, notre maison.

On prend alors toute la mesure de la fausse liberté dont on jouissait jusque là, comme si l'on découvrait qu'on avait toujours respiré d'un seul poumon.
On prend la mesure de la vraie liberté, celle d'être enfin soi-même.
On prend le risque d'être libre, quand bien même cette liberté paraîtrait tout le contraire au reste du monde. Quand bien même elle prendrait la forme d'une autre cage, mais que l'on a choisie et dont on peut s'extraire à tout moment.

Parce que face à celui qui nous offre cette liberté et qui seul peut la comprendre et nous l'offrir, face à celui-ci le reste du monde ne pèse pas lourd.

Et si cette liberté s'exprime à priori paradoxalement par des liens, quelle importance, si d'aucun n'y voit que des liens c'est qu'il est aveugle. D'autres liens se tissent, comme les racines dans la terre que l'on a choisie, qui nous a choisie. 
Et plus elles s'ancrent dans cette terre, plus on grandit, plus on s'agenouille à ces racines et plus on s'élève.

Même s'il n'est pas toujours facile de prendre le chemin de la connaissance de soi, que cela ranime des choses enfouies, même si le chemin est sinueux ou douloureux, c'est sur ces terres là que l'on veut désormais cheminer, vieillir et se sentir enfin chez soi, tout en commençant enfin le voyage, le voyage immobile.

vendredi 18 octobre 2013

L'aile et l'île


Elle était un océan tranquille, un océan sans île, sans île à qui offrir son eau. A perte de vue, nul rivage au sable blanc, auquel caresser les flancs de son ressac lancinant. Elle était une mer sans terre, sans terre à porter, un ventre vide sans aucune marée. Elle cherchait son île, celle qui la porterait, elle.

Il vivait dans un autre lieu, un autre temps où elle se disait aime, il parcourait lentement son chemin, pour finalement parvenir à faire peau neuve,  attendant le jour où il serait l’île d’une qui serait son elle, auprès de qui il serait L, pour braver ensemble les épreuves.

Des envolées ils en eurent pourtant, avant que l’écume d’elle ne rencontre son île, avant que son eau ne vienne s’offrir à ses plages exquises. Faux départs, mauvaises arrivées, chutes libres sans ailes, îlots aux amours infertiles, faut-il regretter ces voyages passés quand ils mènent à la terre promise.

Au détour d’un delta, le courant les fît se rencontrer. S’était-il assez amusé de les voir se chercher, ou lassé de les voir s’entêter, à leurs errances il mit un terme.  Nul ne sait lequel pris l’autre sous son aile, qui par l’autre fût sauvé,  l’île avait trouvé son elle, elle avait trouvé son il, un berceau de douceur pour l’île, et pour elle la terre ferme.

Elle s’allonge de toutes ses vagues au bord de son sable, s’étend et s’étire, offrant d’elle la douceur de ses flots. Du sommet de son île, de ses plus hautes cimes, il surplombe l’océan, ancré dans les profondeurs de ses abîmes, maître de ses eaux.

Et lorsqu’au soir couchant, le silence se fait, comme une respiration, on peut entendre au large de l’île un chant répéter doucement, L aime elle, elle aime L, douce rengaine portée par les vents, de leurs cœurs l’expiration.




jeudi 3 octobre 2013

Petite ritournelle d'M


Trois petits points pour trois petits mots, passagers échoués sur une plage tarie, cherchent mes lèvres rougies pour exprimer de mon cœur, l'écho.

Ensablés, fatigués, ils s'étaient endormis, de trop s'être dits, s'étaient évanouis, effarouchés les voilà qui s'éveillent et sortent de leur sommeil.

Trois petits points pour trois petits mots, timidement parcourent les environs, pour un mode d'expression.

Que je caresse ton visage, ils sont au bout de mes doigts, que je t'embrasse ils bataillent au bord de mes lèvres, que je te regarde et au fond de mes yeux tu les vois.

Ils se précipitent sous tes mains dès que tu me frôles, et sont dans chaque atome de mes bras quand ils se font ta geôle. 

Trois petits points pour trois petits mots, petits marins espiègles de mon cœur palpitant, à défaut d'être parlants, voguent au fil de mon eau.

Comme des fruits attendant d'être mûrs [très mûrs, limite...], ils prennent le soleil, se prélassant  sous notre azur.

Et quand au gré de l'eau vive ils auront fait leur chemin, de mes entrailles jusqu'à mes lèvres et leurs murailles, elles s'ouvriront et tu entendras des trois petits points, leur nom.

Petite ritournelle d’m