dimanche 30 juin 2013

La délicieuse morsure de l'impatience

 
La veille de Noël, quand on est enfant.
Le matin au réveil pour voir si la petite souris est passée.
 
La veille des grandes vacances.
La veille du départ en vacances.
La première fois que l'on aperçoit la mer.
La rentrée des classes pour revoir les amis.
Le premier rendez-vous amoureux.
L'ouverture de la boîte aux lettres, m'aura-t-il/elle écrit ?
La première fois que l'on va conduire.
La première nuit d'amour.
La première paie.
La première voiture.
La première fois que l'on fait les courses pour soi.
Vendredi, la fin de la semaine de travail.
La veille des congés payés.
L'ouverture de la boîte mail, m'aura-t-il/elle écrit ?
La première nuit dans son premier appartement.
La première présentation de son amoureux/se à ses parents.
La première fois que l'on fait les courses à deux.
La première fois que l'on vit à deux.
La tonalité qui annonce qu'il/elle a envoyé un message.
La fin de la journée, pour le/la retrouver.
La première échographie.
La première fois qu’elle le sent bouger.
La première fois qu'il le sent bouger sous ses mains.
La première fois qu’elle/il le tient dans ses bras.
La première fois que l'on est responsable d'une vie.
Le premier "maman" ou « papa » qu’elle/il entend.
Ses premiers pas.
La première fois qu’elle devient la petite souris.
La première fois qu'il va faire le Père Noël.
 
Vous en souvenez-vous ? Peut-être n'avez-vous pas encore vécu tous ces instants, et la liste n’est pas exhaustive. Vous n'avez pas pu cependant échapper à quelques uns d'entre eux, à moins de ne pas avoir vécu.
 Chacun de ces moments nous a fait battre le coeur plus vite, et a véhiculé de l'émotion et du bonheur.
« Vivre, c’est se réveiller la nuit dans l’impatience du jour à venir, c’est s’émerveiller de ce que le miracle quotidien se produise pour nous une fois encore, c’est avoir des insomnies de joie » (Paul-Emile Victor).
Il faut garder l’émotion de ces moments intacte, savoir en dénicher au quotidien et je nous souhaite de savoir savourer, aussi souvent que possible, la délicieuse morsure de l’impatience.
 

vendredi 28 juin 2013

Et j'ai arraché mes yeux du coeur de la statue


 
 Elle était à l'arrêt de bus tout à l'heure.
J'étais arrêtée aux feux, dans ces moments où quelques minutes d'attente nous semblent interminables, comme si l'on était soumis à un planning de ministre.
Ce qui n'est pas mon cas aujourd'hui.
A la radio un truc imbuvable passait, et j'avais renoncé à zapper, pour tomber sur un autre truc imbuvable, que j'écoutais à peine de toute façon.
Le temps maussade n'avait pas découragé les gens, qui déambulaient dans les rues, et à la faveur de ces quelques minutes à l'abri dans ma voiture, j'ai observé leurs visages, imaginé leurs mots.
C'est un petit jeu que l'on fait tous je crois, observer les gens aux terrasses des cafés et les passants, qui observent les gens à l'arrêt dans leur voiture...
Sans doute se demandent-ils où l'on va, alors que l'on se demande qui ils attendent, qui ils rejoignent, qui ils espèrent peut-être, à quoi ils pensent.
Elle était à l'arrêt de bus.
Et de toutes ces personnes, au milieu de tout ce chaos, elle était comme une image arrêtée au milieu d'un film accéléré. Un silence dans le vacarme.
Sa silhouette ramassée aimantait mon regard, comme le font si souvent les personnes âgées, qui me semblent recéler de mots qui ne seront plus dits, de trésors autrefois convoités.
Entourée de jeunes qui s'agitaient, incapables d'immobilité, elle était l'immobilisme. Un chêne à peine effleuré par la tempête qui souffle, un livre qui sent la bibliothèque et les pages racornies au milieu des mp3, un anachronisme attendant le bus.
Elle a été jeune, et ils seront comme elle. Quelques secondes et j'essayais d'entrevoir la jeune femme qu'elle avait été, la personne à l'intérieur de ce carcan rouillé.
Je pensais alors à ses jambes qui la trahissent, qui ont dû faire se retourner les hommes, à ses mains déformées qui ont dû caresser des corps aimés, au fruit tendre qu'a dû être sa bouche fripée, brulant autrefois les lèvres d'un amant.
Au milieu de la foule, j'ai vu cette vieille dame au regard perdu, et je m'y suis perdue aussi, l'espace d'un instant. Assaillie d'une tendresse soudaine, j'ai vu l'aujourd'hui et l'hier sur ce banc, le visible et l’invisible.
Elle était à l'arrêt de bus et c'était presque une statue, comme il en est de si belles que l'on regarde à peine tant elles font partie du décor. Mais si l'on s'approche, si l'on s'approche tout près, je suis sûre que l'on peut entendre battre leur cœur au rythme d'un amour lointain, au son d'une jeunesse perdue.
Le feu est passé au vert, et j’ai arraché mes yeux du cœur de la  statue.
 

jeudi 27 juin 2013

C'est à ça que je pense





 

Un vieil arbre gigantesque et la brise au travers de ses bras, pour jouer la musique de l'été, la caresse du vent, les feuilles qui balancent.


Une colline joliment éclairée par un soleil complice, et dans l'air le parfum des fleurs sauvages pour unique fragrance.

La chaleur et quelque part, au loin, le bruit d'un ruisseau qui chante doucement, pour accompagner la brise, pour bercer le silence.

Comme un chat qui s'étire aux rayons du soleil, les paupières mi-closes, le temps qui s'allonge et dans la moiteur de l'air, ralentit la cadence.

Quelques oiseaux jouent encore ça et là, mais déjà, sur le tissu posé où je suis étendue, à l'ombre de l'arbre et de ses bras tendus, je ne vois plus leur danse.

Je rêve, apaisée de douceur, alanguie de chaleur, d'un éternel instant aux pieds de ce géant, cachée de tous derrière son corps immense.

Endormie à ses pieds, je ne pense plus à rien, le présent est le cadeau que m'a fait cet instant, enrôbé d'un papier aux couleurs de l'enfance.

Et quand mon coeur est lourd, et le monde trop bruyant, quand tous me bousculent et parlent en criant, réfugiée dans ma bulle, c'est à ça que je pense.

 

mardi 25 juin 2013

Ma maison n'est pas celle que l'on croit


Il est des personnes, que l’on dit « lunaires ». Vous en croisez sans doute, peut-être au quotidien.


Elles se prennent un lampadaire dans la tête, vont au travail avec deux chaussures différentes, ont des mots écrits plein la paume des mains, portent parfois leurs vêtements à l’envers, et semblent être ailleurs la plupart du temps.

Ne soyez pas trop durs avec elles, elles ne sont pas d’ici.

Elles habitent un ailleurs que vous avez connu il y a longtemps, avant d’y renoncer, sans vous en rendre compte, comme s’efface lentement mais irrémédiablement le plus ancien de nos souvenirs.

Elles ont pris un chemin de traverse, elles aussi sans s’en rendre compte, pour éviter l’irrémédiable avec lequel  vous composez chaque jour.

C’est une sortie de secours, une porte dérobée au-delà de laquelle la vie est différente, qu’elles empruntent aussi facilement que vous montez dans l’ascenseur.

Bien-sûr  au risque d’être mal jugées. Irresponsables, distantes, froides, timides, inintéressantes, transparentes. Au risque de ne plus savoir composer avec vous parfois, et avec le monde d’en bas.

Mais quelle importance. Ce chemin de traverse n’est pas visible de tout un chacun et c'est tant mieux. Je n’aimerais pas que tout le monde y accède, c’est là que j’habite.

Ma maison n’est pas celle que l’on croit.
 

lundi 24 juin 2013

Le trésor dans la boue


Il est très facile de renoncer. De s’auto descendre. De se mésestimer.

Parfois, on nous y aide volontiers.
Le plus difficile étant de renoncer à ce qu’il convient, et de sauvegarder l’essentiel. Ne pas mélanger les rôles.
Ce n’est pas parce qu’on accorde sa confiance et bien plus à une personne qui se révèlera ne pas en valoir la peine, qu’il faut renoncer à son estime de soi, à donner sa confiance à nouveau, à ouvrir encore son cœur comme un jardin, certes piétiné, lequel ne l’est pas, mais à l’ouvrir à nouveau malgré tout.
Bien-sûr ce n'est jamais facile et ce n'est certainement pas le premier de nos réflexes lorsque l'on nous fait du mal.
La première réaction étant de se refermer afin d'éviter à l'avenir toute souffrance. Erreur. Il faur croire qu'au bout de ce chemin de croix il y a quelque chose qui en vaut la peine, quelque chose qui nous fera dire "voilà pourquoi j'ai enduré tout ça". Sinon, pourquoi continuer ?
Non, ce à quoi il faut renoncer, c’est à la personne qui a saccagé le jardin et y a répandu la boue, pauvre aveugle du cœur.
C’est elle qu’il faut plaindre, parce qu’il est si triste de ne pouvoir s’épanouir qu’aux dépends de l’autre, si triste de ne savoir ni donner ni recevoir, si triste d'avoir le coeur sec, si triste de n'avoir à donner que l'indifférence et le mépris.
Hauts les cœurs et la tête, on relève le menton.
Rien n’est anodin, et de chaque évènement il faut garder le meilleur. Garder à l'esprit même dans les plus mauvais moments, lorsqu'on est tenté de renoncer à espérer, que l'on est quelqu'un de bien. Que chaque chose qui nous arrive, bien ou mal, nous rapproche de ce à quoi l'on aspire.

Ne pas se laisser empoisonner par le fiel et la morosité, c'est si facile et c'est donner tellement d'importance à quelqu'un qui n'en mérite pas. Ou pas de vous en tout cas.

Garder la légèreté, prendre du recul, accrocher des nuages au chagrin, à la déception, au découragement, à la lassitude, et les laisser s'envoler.
Le jardin fleurira de nouveau, plus fragile peut-être, mais plus riche.
Ceux qui le saccagent et y déversent la boue, ne savent pas que le lotus est une fleur dont les racines poussent dans la boue, et qu’elle en sort immaculée, jamais souillée.

 
On la surnomme « le trésor dans la boue ».

 

 

dimanche 23 juin 2013

Le voile des illusions


Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut voir.
Tout comme celui/celle qui veut voir ce qui n’existe pas, vous soutiendra mordicus que cela existe et est bel et bien réel.
On se crée la réalité qui nous arrange, celle qui nous permettra de supporter un peu mieux un quotidien dépourvu de l’étincelle qui nous manque. On la voit où elle n’est pas, on ne veut pas faire le constat de son absence.
On se ment à soi-même, comme si l’on pouvait se duper, tout en sachant au fond de soi ce qu’il en est réellement.
Que  de mouchoirs serait-on capables de poser sur une vérité qui ne nous plaît pas, combien d’œillères porterait-on pour que notre cœur batte encore un peu plus fort, quelques instants de plus.
Peu importent les paroles des « autres », qui nous jettent au visage la vérité. Leurs mots sortent de leur bouche pour mourir aussitôt dans un murmure qui n’atteindra jamais nos oreilles. Les pauvres, ils ne savent pas que ces mêmes mots sont déjà emprisonnés au fond de nous, bâillonnés.
Car si  dans la vie être le dupe d’un autre n’a rien d’agréable, qu’il est doux, l’espace d’un instant, d’être son propre illusionniste  et de croire à cette mascarade, sans penser que tôt ou tard, se lèvera le voile des illusions.