vendredi 5 juillet 2013

Qui t'a rattrapée, toi, quand tu es tombée ?


Il n'est pas besoin de partir loin pour se sentir ailleurs, déconnecté du quotidien, ni de destinations du bout du monde pour offrir à quatre enfants des vacances de rêve.

Un bout de nature où courir pieds nus, un ruisseau où faire des jeux d'eau, peuvent suffire à leur bonheur, si tant est qu'ils n'aient pas été blasés par les jeux virtuels.

C'était une époque où ces derniers n'avaient pas encore la main mise sur leur créativité et leur capacité d'émerveillement au contact de ce qui les entourait, et où les choses simples étaient encore les meilleures. Une époque polaroïd.

Un matin comme un autre, un au revoir comme un autre de cet homme à sa femme et ses enfants, alors qu'il part travailler.

Leur journée serait probablement remplie de rires, de chamailleries d'enfants, les petits ne prendraient pas de coups de soleil, leur mère y veillerait, et ils partiraient à la découverte de ce territoire inconnu, leur bout du monde au milieu des campeurs.

Lui, à quoi pensait-il alors qu'il roulait vers sa journée de travail, revoyait-il le visage de sa femme, de ses enfants, pensait-il aux tâches qui l'attendaient, se disait-il qu'il irait bien pêcher le week-end prochain, pensait-il à la pétanque qu'il ferait à son retour ?

C'était un matin d'août, un matin comme un autre.

Le jour où cette femme est devenue leur héroïne, où le destin a choisi de lui imposer l'épreuve d'une vie, (peut-être pour voir comment elle s'en sortirait), ressemblait à tous les autres matins dété, léger, chaud et prometteur.

Le destin est implacable et impoli. Il ne s'annonce pas. Il s'invite dans votre vie, et à peine avez-vous entrevu ce qu'il amène, il a déjà le pied dans l'entrebâillement de la porte, que vous ne pouvez plus refermer.

Il vous rentre sous la peau qu'il tatoue pour toujours.

Comme une mouche à laquelle un enfant cruel aurait arraché les ailes, elle a perdu les siennes ce jour là.

Le destin s'est présenté dans des uniformes bleus.

Il est des nouvelles que l'on comprend sans paroles. Elles sont écrites en lettres capitales sur les visages du destin, et l'impact vous frappe et vous coupe le souffle, vide littéralement l'air de vos poumons, avant que les mots ne soient prononcés.

C'était arrivé. C'était notre "putain de camion" à nous, le moment où il est devenu un souvenir.

Où a-t-elle trouvé la force de se relever de cette épreuve qui l'avait clouée au sol, comment a-telle fait pour poursuivre sa route avec ses quatre enfants, qui n'ont jamais entendu une seule plainte franchir ses lèvres ?

Elle a traversé les années, seule avec eux, veillant à leur éducation et leur bien-être, peinant jusqu'à devenir presque transparente sur son vélo par tous les temps, pour aller s'éreinter de longues journées afin de subvenir à leurs besoins.

Elle a pris toute la place dans leur cœur, même celle qui était restée béante.

Elle est devenue cette vieille dame, qui s'inquiète toujours pour eux, qui est toujours là pour eux, forte, généreuse, aimante et invincible, toujours prête à les rattraper s'ils venaient à tomber.

Un modèle inégalable, la résilience personnifiée.

Qui pourrait deviner l'épreuve qu'elle a traversée en la regardant, l'abnégation dont elle a fait preuve tout au long de sa vie ?

Elle a enterré en même temps que son époux, la  jeune femme qu'elle était, pour devenir une mère irréprochable, vous savez, celle dont parlent  tous les bouquins sur la maternité.

Elle existe, c'est la mienne.

J'ai tant d'amour pour elle et pour la jeune femme qu'elle a été, tant  d'admiration pour la vie exemplaire qu'elle a menée, pour tous les sacrifices qu'elle a dû faire et dont nous ne saurons jamais rien, pour le courage de cette femme et son infaillible volonté.

Tant d'admiration pour elle que la vie a peut-être endurcie, mais dont la dureté ne nous est jamais aparue, dont le foyer a toujours été si doux et rassurant, qu'il a été bien difficile à quitter.

Elle a rempli nos vies de larmes de rire, que nous partageons si souvent avec elle, nous quatre aujourd'hui tellement éperdus d'amour et de reconnaissance.

Mais maman, qui t'a rattrapée, toi, quand tu es tombée ?



 

10 commentaires:

  1. Très touchant...........la fatalité vaincue par le courage et le dévouement d'une mère.Chapeau et mes hommages a a ta maman.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "courage et dévouement" est la devise des pompiers français. Ma mère est le pompier de nos vies <3

      Supprimer
    2. Je vois dans tes écrits qu'elle t'as repassé le flambeau de ses valeurs ..

      Supprimer
  2. c'est trop beau !!! felicitation a toi pour ces jolis mots ....et gros bisous a ta maman !!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Nath !! Je transmettrai dès cet après-midi !
      Bisous à tous :-)

      Supprimer
  3. oui c'est beau et ça chante en le lisant,j'adore continuez comme ça
    bonne journée a vous et a votre famille

    RépondreSupprimer
  4. Bouleversant...Derrière un visage, un regard, un être, aussi beau soit il de l'extérieur et de l'intérieur , on ne connait absolument pas les peines endurées par celui-ci sauf quand son coeur parle...Je pleure ! Merci de me toucher, je me sens humain et digne.

    RépondreSupprimer
  5. très émouvant,ton texte m'a donné la larme à l'oeil....(Vivy.... dont tu as dû entendre parler...lol)

    RépondreSupprimer
  6. merci. merci de me rappeler que nous ne sommes tous que des souvenirs en sursis. Je vais dès cet instant m'affairer a ne laisser derrière moi que des souvenirs merveilleux didier siporex

    RépondreSupprimer