mardi 9 juillet 2013

A chacun son arc en ciel


Je ne dormirai pas chez moi ce soir-là, aussi, en étourdie que je suis, j'avais préparé ma liste de petites affaires à ne pas oublier, et à checker avant de partir.

Le cœur en fête, j'avais pris le volant, une petite heure de route devant moi, jolis paysages, soleil plombant et musique plein l'habitacle, le sourire scotché au visage. Je repoussai le petit nuage noir me rappelant le retour au travail lundi, qui essayait de se frayer un chemin dans ma tête et d'assombrir mon horizon.

Je ne partais pas en vacances, mais j'en avais l'impression, et me sentais le cœur aussi léger et impatient que si j'allais bientôt entrevoir la mer entre deux collines. Ou presque. A bien y réfléchir, je ne crois pas qu'une autre situation puisse me procurer la même impatience fébrile.

A environ vingt kilomètres de la maison, je réalisai que je n'avais pas checké ma liste. La routine.
Une étourdie qui essaie d'être organisée pour palier à son étourderie... peine perdue.
Rien de bien grave, mais j'allais avoir froid sans gilet et bras nus, la nuit tombée.

Un petit arrêt pour récupérer les troupes, et nous voici partis pour le festival reggae. Une bonne soirée en perspective, bien que je ne sois pas familière des concerts et pas des plus à l'aise dans la foule.

Le village qui abritait l'évènement n'avait pas encore été investi par les festivaliers à notre arrivée, et, disposant d'un peu de temps avant l'ouverture des portes, petit rafraîchissement à la terrasse d'un café à proximité.

Autour de nous, les premiers arrivants faisaient de même, et leurs tenues annonçaient la couleur, dans tous les sens du terme.

Assis à l'ombre et sirotant un verre, l'atmosphère invitait à la détente, au partage, nous profitions d'une démonstration impromptue de djembé grâce à nos voisins de table. Si nous n'étions pas encore dans l'ambiance, voilà qui était fait.

L'accès au festival enfin possible, hop let's go. Allégés de dix-sept euros, (ça a intérêt à valoir le coup), nous entrons dans ce qui sera le temple du reggae pour la soirée et une partie de la nuit. Trois pelés et deux tondus, mais nous sommes en avance, fait qui ne m'est pas coutumier. Le monde arrivera plus tard (hein ?).

C'est un peu comme un club de vacances finalement, il faut échanger ses sous contre des jetons. Sans doute pour vous faire oublier le coût de ce que vous achèterez, et à en voir l'activité des premiers arrivants, ce qui sera le plus acheté sera la bière.

Petite piqure d'appréhension, je m'imagine en fin de soirée noyée dans une foule complètement bourrée, sachant qu'un seul mec rien qu'éméché me fait peur (mauvais souvenirs)... mais restons positive. Et puis je ne suis pas venue seule, donc tout ira bien.

Ici et là, des rastas sont allongés dans l'herbe, bière à la main, cigarette (encore "normale") dans l'autre, on boit on fume et mange par petits groupes, pas forcément homogènes.

Petit creux nous aussi, et puisqu'il n'est pas possible d'avoir du poisson et des légumes vapeur, (ils ne sont vraiment pas conciliants), j'enterre allègrement ma semaine d'efforts pour un hot-dog/frites.

J'essaie de ne pas donner l'impression de la fille qui n'a jamais rien mangé d'aussi bon de toute sa vie, et j'ai une pensée émue pour mes longues minutes d'agonie sur ce fichu vélo, les jours précédents. RIP mes efforts. Au moins j'éviterai la bière, je n'aime pas ça.

Une petite scène intermédiaire diffuse la musique ambiante, jusqu'à ce que le son du premier groupe nous parvienne aux oreilles. Je suis un peu inquiète que le premier concert débute alors que nous sommes si peu nombreux, je n'ai pas envie d'être pressée comme un citron dans la foule, mais bon c'est un festival quand même, pas la fête à Pierrot dans son garage... ils sont où les gens ?

On pourrait presque faire, comme j'adore en réunion, un tour de table et se présenter un à un (bon j'exagère un peu), mais la chanteuse se lance et fait son maximum pour arranguer la "foule".

Voix agréable, mélodies sympa, bonne musique, mais... petite vérification auprès de mon collègue. Ok elle chante bien en français, et je ne suis pas la seule à ne comprendre qu'un mot sur dix, me voilà rassurée. Prestation plus que correcte, ça met dans le bain, et il faut du courage pour ouvrir la soirée devant un public clairsemé.

L'espace se remplit peu à peu, et nous profitons de l'entre deux scènes pour faire un tour et nous assoir un peu (à ma demande, mon vieux dos me rappelant mon grand âge après une station debout prolongée).

Le deuxième groupe donne rapidement du son. La foule est bien là cette fois, et alors là, ok, on a du son, du bon son, une sacrée énergie, des voix, ça ne joue pas dans la même cour que le premier groupe, ça se sent tout de suite. Les pieds se décollent du sol, ça bouge partout, et on est passés du "pas mal" au "wahou..." d'un coup d'un seul.

Tout autour de nous, des volutes s'élèvent, nous entourant et nous enveloppant littéralement de ces clopes qui passent de main en main.

Le groupe nous sidère et nous emporte complètement avec lui, maîtrise totalement et nous offre notamment une reprise magnifique de "Ain't no sunshine when she's gone".
Sous le charme la prestation prend fin, et nous filons faire un tour et acheter leur maxi cd (que j'écoute en boucle depuis).

Beaucoup moins impatiente pour le prochain concert, Tonton David, je ne suis pas fan.

Et pour cause, je confonds avec Doc Gynéco... Ce dont je m'apercevrai plus tard.

Dès son apparition j'ai envie d'être ailleurs, bla bla bla, dix minutes de délires sur tout et n'importe quoi et cinq minutes de chanson, ses tentatives de traits d'humour, ses "Seiiiiiiiigneuuuuuur" toutes les deux minutes me hérissent le poil, et je ne tiens pas plus longtemps, je m'éclipse fumer tranquille plus loin.

Peut-on être tranquille longtemps à ce type d'évènement ? Non. D'ailleurs on n'y vient pas pour ça non plus. Qu'importe, c'est l'occasion d'échanger.
Ce que je fais avec le jeune homme qui me demande s'il peut s'assoir à côté de moi, en espérant qu'il n'est ni trop plein ni trop lourd.

Heureuse surprise, ni l'un ni l'autre. Je n'en dirai pas autant de la jeune fille qui se vautre à ma droite pour tenter de s'assoir, deux bières en main, complètement bourrée.

S'en suit un échange surréaliste, le taux d'alcoolémie de la jeune fille lui donnant des élans d'amour et de philosophie d'un niveau inversement proportionnel au dit taux d'alcoolémie, moi tentant d'éviter tant bien que mal ses bières qui tanguent dangereusement au gré de ses balancements, le jeune homme essayant de comprendre ses propos, une expression d'incompréhension sur son visage me faisant mourir de rire. Il me demande si elle lui fait du rentre dedans... "ben mon pauvre j'en n'ai aucune idée, c'est ou tout l'un, ou tout l'autre". Oui parce qu'en substance, son discours c'est "toi je t'aime tu vois, mais en fait je t'aime pas non plus, parce que l'amour tu vois, c'est pas ça, mais moi tu vois je fais ce que tu veux". "Heuu, fais attention à ce que tu dis quand même". "Non je veux dire que je fais ce que tu veux, enfin ce que je veux, parce que je vous aime vous, mais pas n'importe qui non plus, mais j'm'en fous en fait, vous êtes super, tu veux ma bière ?".

Hé ben c'est-à-dire qu'à moins de sucer le sable, t'en n'as plus qu'une.

Un miracle que j'ai pu échapper à ce premier accident. Je la récupère de justesse deux fois alors qu'elle manque de tomber, et là, deuxième miracle, elle ne renversera pas sa deuxième bière.

On peut aussi parler d'un troisième miracle, elle aurait pu me vomir dessus, mais non. Quelqu'un d'autre en profitera sûrement plus tard dans la soirée.

Elle n'est pas en voiture, c'est déjà ça. Son amie viendra la récupérer, le jeune homme me raconte un peu ses tourments, très simplement et avec beaucoup de pudeur, et j'apprécie sa retenue comme ces aveux qu'il partage avec moi, avant d'aller retrouver ses amis.

Il ne conduit pas non plus, et je me dis en lui souhaitant une bonne soirée que merde, j'ai pris un coup de vieux, je ne peux pas m'empêcher de m'assurer qu'ils rentreront bien.

Copier cent fois en rentrant "je ne suis pas la mère de tout le monde".

Quatrième et dernier groupe, après une attente interminable. Dans la foule, certains sont assis ou allongés, et pour le reste ça titube plus que ça ne marche. Je regarde à peine les musiciens tant je suis occupée à observer le monde autour de moi, la majorité des festivaliers étant à présent pour la plupart imbibés jusqu'à la moelle et complètement partis.

J'appréhende tellement leur manque de contrôle que je ne profite pas, je suis gelée et ne me sens plus en sécurité, probablement un sentiment disproportionné mais c'est plus fort que moi.

Mon collègue n'aura pas à me demander deux fois si je veux rentrer.
C'est ça de sortir une vieille !

Au chaud dans la voiture, nous constaterons que l'on sent la clope qui fait rire à plein nez, nos vêtements sont imprégnés. Moi ça ne me gêne pas, j'adore l'odeur.

Il me demande où sont les rastas tout le reste de l'année, comme on se le demanderait d'un peuple migrateur. Ma foi, probablement en train de se fabriquer une vie parfaite, en cherchant l'arc en ciel, comme le chantait l'un des groupes : "perfect life is like the rainbow, you can see it from your window, everybody wants to find it, but nobody knows how to reach it".

A chacun son arc en ciel.

1 commentaire:

  1. Coffee-shop géant et encore, aux Pays-bas on y vend pas d'alcool. Certains comme vous y vont pour apprécier la prestation des artistes, d'autres pour se donner un but à leur vie comme des paroissiens à l'écoue des mots du prêtre en oubliant que ce n'est qu'un spectacle, une pièce de théâtre, des arènes...Sinon merci, j'ai participé à l'ambiance sans y être, j'ai passé une agréble soirée !!!

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